Hélène Depotte
Il arrive que le monde nous fatigue. Il est trop compliqué. Entre lui et nous, ça ne va pas. Trop de réel, nous embarrasse. Nous voulons disparaître, partir, parce que le monde ne ressemble pas aux autres mondes que nous rêvons d’habiter.
C’est le point de départ du travail de création de Richard Roux Giuge.
Il ouvre des fenêtres à travers lesquelles, nous surprenons un autre monde, le monde des contes, si proche et si loin de celui où nous vivons. C’est le “bruit” singulier du “il était une fois” qui vient rompre notre monotonie, nous permettant de renouer avec notre double enfantin. “Un excès d’enfance est un germe de poème” disait Bachelard.
Chacun de ses fragments de conte nous est familier, sans pourtant perdre son goût d’étrangeté.
Les tâches qui criblent les fonds des tableaux sont autant de “trous” dans l’espace des contes, autant de sorties dérobées par lesquelles l’imagination s’échappe. Et l’imaginaire de Richard Roux Giuge s’accommode parfaitement du réel. Il ne le subit pas mais le met en œuvre. Il aime se donner le frisson de vivre ailleurs, sans qu’il y ait de séparation fondamentale entre le réel tel qu’il le vit quotidiennement et l’imaginaire tel qu’il le représente.
Il conjugue contes et réalités, décline passé et présent avec un bonheur qui transpire dans chacune de ses images.
Certains lambeaux de rêve persistent dans nos existences, sans raison, sans explication, et pourtant, sans rien perdre de leur charge émotionnelle. Il était, il est, et il sera toujours une fois.
Septembre 2023
Françoise Laurent
Il était une, deux ou trois fois…
“Le conte est difficile à croire ; mais tant que dans le monde on aura des enfants, des mères et des mères-grands, on en gardera la mémoire.” (Charles Perrault / Peau d'Âne)
Décidemment, Richard aime les détournements ! Les transformations ! Les associations !
Après « Historia » (Hybrides 2022), et ses corps mi-hommes / mi- cerfs, l’artiste poursuit sa recherche avec un étrange mixage… de contes féériques !
A travers une série de tableaux pleins d’humour et de fantaisie, il nous présente SA version de ces histoires, merveilleuses ou terrifiantes, qui, depuis des générations, enchantent l’imaginaire de l’enfance.
Foisonnement de fleurs, feuilles et branches évoquant l’atmosphère des forêts touffues propres aux contes… apparition d’un bestiaire hétéroclite rappelant les animaux dotés de pouvoirs magiques qui peuplent la trame de ces récits…
Nous voici bien au pays des rêves, ou des cauchemars, là où tout est possible, là où l’adulte se construit, où se forge le devenir de l’enfant !
Mais… quels visages l’artiste choisit-il pour illustrer les « héros humains » de ces fictions ? Ses icônes fétiches, bien entendu ! Les figures emblématiques des années 70/80 qui, elles… ont enchanté ses années d’adolescence !
Du rêve encore, et encore la construction de l’adulte tendu vers l’avenir, vers ses désirs et ses projets !
Le Petit Chaperon Rouge nous apparait sous les traits de Sylvie Vartan, David Bowie incarne le Prince Charmant, Françoise Hardy revêt la peau de… Peau d’âne, tandis que Twiggy prend le rôle d’une mystérieuse Alice au Pays de merveilles !
A la jonction entre deux mémoires : celle de l’enfance et celle de l’adolescence, Richard joue avec les images, les mots, les idées reçues et celles envisageables.
Nouveau thème, nouvelle recherche donc, mais Richard reste fidèle à sa technique : sur les encres translucides, semblables à des voiles perlés de gouttes saturées, contrastent des aplats noirs, épais, qui dessinent visages et silhouettes.
Des personnages mi-réels, mi-imaginaires que l’artiste fait sortir de l’ombre… ou d’un rêve. Dans une profusion de références, il enchevêtre le passé et le présent, comme pour nous rappeler que, si le temps s’écoule, les émotions, elles, ne s’oublient pas et restent ancrées (encrées ?) dans la mémoire, individuelle… et collective.
Il était une, deux ou trois fois… et voici une nouvelle fois Richard dont le style pictural n’aura jamais autant coïncidé au sujet de sa recherche !
Août 2023
http://franlaurent.e-monsite.com/
Historia (Hybrides 2022)
Avec cette nouvelle exposition, Richard Roux Giuge démonte et démontre.
Il joue sur le sens, sur les sens.
Sens des couleurs, sens de la forme, sens des mots…
Pas de sens interdits !
Historia (hybrides 2022) annonce la couleur : les couleurs de l’arc-en-ciel.
Richard occupe l’espace, les espaces…visuel et thématique.
En latin, « hibrida » signifie « bâtard, de sang mêlé »…
Chez les grecs, «l’ hybris » désigne la démesure, l’orgueil, un crime que les dieux condamnent chez les humains.
Du rapprochement de ces mots est né notre « hybride » actuel : un organisme issu d’un croisement d’espèces, dans lequel se mélangent les gènes.
Monstre ? Curiosité ? Chimère ou animal de foire ?
L’homme-cerf (ou homme-sert) ne trompe personne, ne se cache pas à lui-même et n’est dupé par personne : il porte sa ramure avec orgueil et revendique fièrement sa différence.
Provocation ? Ou simple état de fait ?
L’homme-cerf n’est pas costumé, déguisé… mais habillé.
Comme tous les hommes, tous les humains, à travers les âges.
Et ces habits, protections à l’origine, exposent au cours des siècles des choix, des personnalités… des identités.
Rocker, roi, cowboy, dandy, empereur, truand, playboy, punk ou hippie… le costume combat la coutume, il en découd avec la bienséance.
Tout en hauteur, les formes noires s’affichent. Elles s’imposent sur le camaïeu de couleurs translucides. La tête reste la même, seuls les corps, vêtus de leur histoire, nous scrutent et interrogent :
- Et toi ? Quel costume portes-tu ? Quel « sang mêlé » dissimules-tu sous tes habits, fringues, tenues… apparences ou vernis ?
Le cerf-homme (ou sérum… de vérité ?) dérange l’ordre établi.
L’hybride ne se range pas ! Il refuse d’être bridé, cantonné à une catégorie !
Mi-humain, mi-animal, il interroge la nature et l’accueille sur son épaule, représentée par cet oiseau aux plumes immuables. Nul besoin de se masquer, chez les animaux. Si leur apparence évolue, c’est pour s’adapter aux changements, résister… quand ils le peuvent. Car certaines espèces disparaissent, anéanties par la domination tyrannique de l’Homme. L’éternel combat de l’Homme contre la nature… et ses tentatives maladroites pour « réparer » les dégâts.
En ces temps d’incertitudes, sur l’avenir, la pollution, la pénurie énergétique… on nous présente la voiture « hybride » comme l’une des solutions pour sauver la planète… Un modèle d’adaptation ?
Mais n’oublions pas : c’est l’intérieur, le fonctionnement de cette voiture qui est modifié. Extérieurement, elle reste identique aux anciennes. Sauver les apparences, toujours…
L’essence de l’être, c’est ce qu’il est vraiment, ce qui fait « qu’il est ce qu’il est ».
Bref… ce qu’il y a d’essentiel en lui.
Alors… quel sera le destin de l’homme hybride ?
Qu’en sera-t-il de son « intérieur » ? De son « extérieur » ?
Et du regard que nous porterons sur lui dans les années à venir ?
novembre 2022
Foules… sentimentales ?
Manifestations, terrasses de bistrot bondées, rassemblements, foules se pressant dans des gares et mouvements de groupes… ça bouge ! Ça fourmille !
Ça grouille de vie !
Si le traitement pictural et les couleurs restent identiques (encres rouges, jaunes, noires…) le sujet, les sujets évoluent :
Finis les portraits statiques de « vedettes », artistes ou amis identifiables au premier coup d’œil…
Richard Roux élargit son champ visuel… Il se tourne vers les foules !
Foules anonymes ? Pas du tout !
Sur les toiles géantes, chaque individu, mêlé aux autres, affirme sa présence…
et l’expression des visages nous saisit !
Crispés ou reposés…
Ouvert ou bien fermés…
Sombres, détendus, pressés, agités… débordants d’émotions !
L’humain reste au centre… et devient humanité.
Des inconnus ? Sans doute, mais au sein de groupes connus, identifiés… marqueurs de leur époque.
Des inconnus à qui Richard reconnaît le statut de « sujet », acteurs emblématiques d’une société en mouvement !
Nice, mai 2014
Baby face
Visages poupins, houpettes, yeux ronds étonnés sur le monde…
Les « bébés de Richard » regardent l’objectif, leur objectif : devenir grands, grands comme le grand qui les photographie !
Des grands qui aujourd’hui les regardent… en écho.
Echos ?
Echographie du passé ?
Après les radiographies, les échographies…
Et toujours, la résonnance d’un passé, non pas regretté, comme « éternels regrets », mais éternellement actif, agissant…
Car à l’intérieur de chacun d’entre nous, vit encore le bébé joufflu de jadis.
Son sourire,
Son regard,
Ses pensées ?
Noir, jaune, rouge, orange, blanc…
« Ses bébés », Richard les représente dans la même flamboyance que leur « devenir ».
Ils ont atteint leur objectif, et Richard atteint le sien : accéder à la cour des « grands », tout en restant l’enfant émerveillé par les couleurs, les visages, les personnes qui l’entourent et qui, en écho, lui renvoient la certitude de sa place dans le monde des artistes.
Octobre 2014
Au fil du temps
Le jaune de l’éternité et de la jeunesse…
Le rouge de la passion, du désir et de la violence…
Le blanc de la pureté et du mariage…
Le noir de la tristesse et du deuil…
Quatre couleurs, pour quatre thèmes :
Paysages industriels, portraits, natures mortes, insectes…
Du plus grand au plus petit de ses sujets, Richard ROUX décline à l’infini l’inéluctable :
Le fil du temps… qui passe.
Mais attention ! Pas de temps morts, chez Richard !
Que des temps forts ! Intenses ! Trépidants !
Des temps qui se traduisent en espaces : à travers ses collections, ce foisonnement d’images épinglées, affichées, Richard occupe le lieu, la salle, la feuille où, parmi les teintes chaudes, la froideur blanche affirme sa présence : l’absence est là, qui fait partie du tableau, de la vie.
Comme si le temps pressait, l’exhortait à reproduire, décalquer, agrandir, créer et recréer les formes, les visages, les objets… « Natures mortes » ? Pas du tout !
Richard les perçoit en anglais : « Still life »… « Toujours en vie ».
Et même : « Still more » : Toujours plus ! Encore plus !
Plus de vie, de flammes, d’énergie… autant de choses ! De facettes d’une même chose, un même visage, un même sujet, un même vécu !
Comme un photographe remontant le fil du temps, Richard fixe les épisodes de son parcours, il les enrichit de l’expérience de ses prédécesseurs, les retravaille sans cesse… à la recherche d’une perfection ? D’une authenticité ? D’un idéal ?
Au fil des expositions… les supports s’agrandissent et Richard élargit l’ouverture de son monde. Nouveaux sujets d’étude, gigantesques ou minuscules, qui nous donnent à voir un peu plus de l’artiste, de ce jaune, de ce rouge, de ce blanc, de ce noir qui, Au fil du temps, ont nourri son imaginaire et y vivent encore…
Octobre 2013.
Le jaune de l’éternité et de la jeunesse…
Le rouge de la passion, du désir et de la violence…
Le blanc de la pureté et du mariage…
Le noir de la tristesse et du deuil…
Quatre couleurs, pour quatre thèmes :
Paysages industriels, portraits, natures mortes, insectes…
Du plus grand au plus petit de ses sujets, Richard ROUX décline à l’infini l’inéluctable :
Le fil du temps… qui passe.
Mais attention ! Pas de temps morts, chez Richard !
Que des temps forts ! Intenses ! Trépidants !
Des temps qui se traduisent en espaces : à travers ses collections, ce foisonnement d’images épinglées, affichées, Richard occupe le lieu, la salle, la feuille où, parmi les teintes chaudes, la froideur blanche affirme sa présence : l’absence est là, qui fait partie du tableau, de la vie.
Comme si le temps pressait, l’exhortait à reproduire, décalquer, agrandir, créer et recréer les formes, les visages, les objets… « Natures mortes » ? Pas du tout !
Richard les perçoit en anglais : « Still life »… « Toujours en vie ».
Et même : « Still more » : Toujours plus ! Encore plus !
Plus de vie, de flammes, d’énergie… autant de choses ! De facettes d’une même chose, un même visage, un même sujet, un même vécu !
Comme un photographe remontant le fil du temps, Richard fixe les épisodes de son parcours, il les enrichit de l’expérience de ses prédécesseurs, les retravaille sans cesse… à la recherche d’une perfection ? D’une authenticité ? D’un idéal ?
Au fil des expositions… les supports s’agrandissent et Richard élargit l’ouverture de son monde. Nouveaux sujets d’étude, gigantesques ou minuscules, qui nous donnent à voir un peu plus de l’artiste, de ce jaune, de ce rouge, de ce blanc, de ce noir qui, Au fil du temps, ont nourri son imaginaire et y vivent encore…
Octobre 2013.
Constellations
Stars montantes ou déclinantes, stars disparues ou gommées des mémoires, simples amis inconnus du public mais tendrement aimés… pour eux tous, Richard ranime la flamme.
Portraits encore. Camaïeux toujours. Teintes chaudes, cette fois, comme pour mieux révéler la part unique et sublime de chacun. Sa luminosité. Son … immortalité ?
Nulle trace de nostalgie dans l’exposition de ces visages.
Rien que du souvenir.
Positif.
Sans l’ombre d’un regret.
Rien que la joie, pour l’artiste, d’avoir grandi au rayonnement de ces idoles, de ces copains, rien que l’énergie qu’ils lui ont transmise et qui demeure, année après années, si vive, incandescente… une galerie de portraits qui éclate telle un feu d’artifice : un fervent merci !
Hommage aux personnes, hommage, aussi, à l’univers culturel des « sixties » au travers duquel Richard s’est forgé : le pop art, les sérigraphies flashies d’Andy Warhol, les photos provocantes de Jean-Marie Périer dans « Salut les copains »… avide de liberté, le monde explosait au cœur du conformisme de l’époque.
Jaune ! Orange ! Rouge ! De la lueur scintillante au volcan tumultueux, les aplats de couleur éclatent sur le papier blanc. Un papier sans entraves, papier « libre » où le blanc ne reflète pas l’absence, mais l’espace à conquérir, envahissant parfois les visages comme l’eau d’un fleuve s’étalerait sur des terres pour les fertiliser.
Blanc, jaune, orange, rouge… et du noir. Présent. Incisif. Revendiquant sa place, le noir s’impose en élément de discours, il suggère les zones d’ombre de chacun et, par contraste, en accentue les aspects lumineux. Un rappel de la « figuration libre » apparue dans les années 80 ? Années plus sombres que les sixties… la futilité se perdait, l’humour virait cynique. Fidèle à ses premières amours, Richard n’en garde pas moins les yeux ouverts sur les courants qui ont suivi, témoins vibrants de l’évolution du monde.
Pas de retouches, de repentirs. L’artiste joue « franc jeu ». Sans retour en arrière, il se jette à l’encre, porté par le geste, serein. Généreux. Et si le hasard œuvre parfois, sous forme de coulées, de taches, s’il nous invite à y voir une larme, une goutte de sang ou un éclat de rire… qu’importe ! L’encre translucide prolonge le mouvement… et peut-être l’intention cachée.
Comment ne pas réagir face à certaines de ces icônes, réveillées par surprise ? Martine Carol, Gloria Graham, Jacqueline François, Danielle Darrieux… autant de chanteuses ou d’actrices dont l’existence s’était dissoute, empoussiérée par le temps, étoiles filantes à qui le pinceau de l’artiste redonne vie, intensément. Une forme de reconnaissance ?
Au-delà de la « représentation », Richard nous entraine dans un face à face avec l’Individu, l’être unique qui flamboie en chacun d’entre nous. Pour toujours. Sans réserve, il célèbre son inconditionnel attachement à ces femmes, ces hommes, gravés dans son histoire… il nous offre son firmament : le meilleur de l’humanité.
Novembre 2012.
Natures mortes radiographiées
Plus de visages ! Plus de people… mais des bottles.
Et pourtant… pourtant la patte de Richard Roux est là : dans les camaïeux pastels ? Dans les rythmes ou dans les cernes noirs qui soulignent les formes ?
Le contenant n’est plus de chair, mais de verre ou de plastique. Le « donné à voir » affirme sa limpidité, sa transparence et le sujet proposé, natures « mortes », dévoile une vie intérieure, une profondeur révélée par l’artiste. Les bouteilles, apparemment vides, nous livrent un message, une fois radiographiées… Bouteilles à la mer ? Comme si les encres délavées, imbibées d’eau, résistaient à la dilution, comme si les cernes noirs s’évertuaient à contenir l’insaisissable qui tente toujours d’échapper au regard…
Mais l’intérieur évolue, l’intérieur déborde, et le tracé du pinceau s’adapte, suit le mouvement ou le provoque… l’image se dédouble rappelant le « Double Jeu » d’une exposition précédente. Ici, le contour admet sa limite. S’il reste précis, épais, il accepte cependant de ne plus affirmer de frontières, accepte le flou de la réalité, dessinant des ombres qui, comme des fantômes, accompagnent l’objet principal. S’agit-il d’encres sympathiques ? Que seule la chaleur du regard saurait mettre à jour ?
Telle une bouteille à encre éternellement opaque, l’œuvre de Richard livre au spectateur le compliqué de la situation : la transparence n’est qu’illusion. Au premier plan, presque invisibles, les dépôts du passé subsistent, légère pellicule qui vient brouiller la vision, témoin discret d’une trace antérieure… indélébile.
Février 2010
« La bouteille à encre » : Expression française qui désigne une situation embrouillée, peu claire. Un problème insoluble.
A la fin du XVIIIe siècle, la forme initiale était "clair comme la bouteille à l'encre".
Ceux qui ont eu le plaisir (car c'était une tâche affectée aux plus méritants) de remplir les encriers placés sur les bureaux des écoliers d'autrefois, savent qu'une bouteille d'encre, même vide, garde une opacité certaine, à cause du dépôt qui se fait sur les parois.
C'est la comparaison de ce caractère opaque avec une situation manquant de clarté ou incompréhensible qui a provoqué la naissance de cette expression.
Adhésion
Sous le tissage brillant des chemins translucides
les visages, impassibles, respirent la lumière
et les peaux vitrifiées, scotchées à la toile
en un écran révélateur, nous renvoient leurs reflets…
Nouveau matériau, nouvelle technique ; le verni se déroule.
Rappelant les clichés sur papier glacé, Richard habille ses figures éternelles d’un entrelacs de protection… on ne peut qu’adhérer.
Mars 07
Chronologie chromatique
FACETTES. Après les gouaches flashies de “PEOPLE”, après les noirs et blancs abrupts de “DOUBLE JEU”, Richard nous livre aujourd’hui ses chromatismes fractionnés, facettes multiples de visages en un pavage aux teintes pastel.
L’œuvre évolue avec le temps. Ce temps qui atténue l’intensité des couleurs, tout en offrant au regard la douceur et la sagesse de l’expérience.
Etranges damiers que ces portraits habillés de camaïeux géométriques. Etrange labyrinthe que cette mosaïque de dames aux allures d’arc-en-ciel.
Dégradés de teintes, dégradés d’émotions… comme si l’artiste, en une image, faisait défiler tout le passé gravé dans chacune de ces figures. Car ne nous y trompons pas : la douceur éthérée des nuances n’est qu’apparence dans ce face à face, et le subtil jeu de cache-cache avec la surface révèle l’humain plus qu’il ne le dissimule. Sous le voile fragile des encres délavées, sous les traces aléatoires abandonnées au passage de l’eau, la précision du trait noir demeure, incisive, la profondeur des regards questionne. Echos d’une mémoire morcelée, les souvenirs ancrés résonnent ; de case en case, ils ricochent en rythme.
Entre hasard et rigueur, Richard nous entraîne dans le sillage de sa palette chronologique, au cœur du dédale kaléidoscopique de personnages patchwork, reflets de ses / nos propres miroirs.
Septembre 2006
Double jeu, double enjeu, doubles jeunesses…
Avec “DOUBLE JEU”, Richard Roux ne joue plus ; ou les règles ont changé.
Noirs et blancs abrupts, lignes précises, visages graves nous fixant droit dans les yeux… sous les traits appuyés du fusain, l’humain demeure au centre de la création, mais dépourvu d’artifices. Il joue franc jeu en quelque sorte ; se montre à nu.
Et si les personnages restent jeunes, épargnés par la marche du temps, leurs photographies n’échappent pas au travail laborieux du souvenir : telles de vieux clichés déchirés, puis amoureusement réassemblés, elles revendiquent les fines cicatrices de ces « découpages et collages », ultimes vestiges d’une époque où Sylvie se demandait qu’est-ce qui fait pleurer les blondes…
Mais, rassurons-nous. Elles sont toujours là, ces filles sophistiquées qui fredonnent à notre mémoire les musiques disco des années soixante-dix, elles nous ravissent toujours avec leurs couleurs flashies et leurs regards nostalgiques cernés d’eye-liner… comme pour mieux souligner le chemin parcouru, elles témoignent des origines.
Double jeu, donc pour cette exposition en miroir ; double enjeu artistique, doubles jeunesses, qui se reflètent face à face : d’un côté l’apparente froideur du corps aux contours parfaitement délimités, de l’autre la transparence émouvante de radio/graphies pénétrant au cœur de l’âme.
Une âme que ce passionné de portraits n’a pas perdue, mais affinée. Refusant l’indulgence de l’estompage, il affirme les contrastes et nous dévoile une étonnante facette de son talent, nous révèle une nouvelle sensibilité, un nouveau “je” qui nous renvoie à nos propres images du passé.
En blanc et noir, parions que Richard nous fera partager ses rêves, “ces petits riens ces petits tout qui font de nous des gens debout…”
Mars 2006
People… le ton est donné. Richard s’annonce. Avec lui, nous baignons dans la culture anglo-saxonne symbolisée par Mary Quant. Les sixties. Tout un style, tout un look. Filles sophistiquées en mini-jupes, beaux garçons rêveurs et ténébreux, groupes de jeunes gens posant à l’infini… la galerie de ces personnages paraît sortir d’une bande dessinée, avec ses couleurs « flashantes » et ses portraits cernés de noir, ici chaque être se définit avec précision. Pas d’incertitude. On devine l’assurance de jours heureux. Tout est possible, tout reste à inventer. Et pourtant… Et pourtant les regards se font nostalgiques. Les lendemains ne chanteront pas toujours sur la Maritza de Sylvie Vartan et, à l’instar de Marilyn, “les garçons et les filles de notre âge” ne seront pas toujours là. Elvis, Janis, Jimmy ou John… Ils résonnent dans notre mémoire, ils nous ont construits, ils resteront éternellement jeunes, beaux et mystérieux, comme ces “people “ que nous propose Richard, ces « people » qui ont peuplé notre imaginaire, artistique et affectif, les témoins d’une époque.
Témoins aussi, ces icônes de réclames, références incontournables : le Bibendum rondouillet courant sur les routes, la vache qui rit hilare, la grosse tête de la pointe bic, ou la porteuse d’eau Clairefontaine… “images de marques”, images marquantes, répétées, déclinées en camaïeux qui glissent de l’orange au vert.
Un clin d’œil à Warhol et à la Factory ? Et comment ne pas sourire à cette “Vénus revisitée”, sortant de la piscine de David Hockney ou croisant Marilyn sur son chemin ? A moins qu’elle ne soit son double ? Son reflet à travers les âges ?
Autant d’hommages que Richard Roux rend à ses “maîtres” : Lichtenstein, Adami, Monory… des repères non figés, avec lesquels jouer, et se jouer du temps.
Collectionneur du passé, mais tourné vers l’avenir, Richard nous confie ses personnages intérieurs. Il leur donne une âme, et par là, il a le talent d’animer notre histoire commune en la reconstruisant.
Mars 2005.
Stars montantes ou déclinantes, stars disparues ou gommées des mémoires, simples amis inconnus du public mais tendrement aimés… pour eux tous, Richard ranime la flamme.
Portraits encore. Camaïeux toujours. Teintes chaudes, cette fois, comme pour mieux révéler la part unique et sublime de chacun. Sa luminosité. Son … immortalité ?
Nulle trace de nostalgie dans l’exposition de ces visages.
Rien que du souvenir.
Positif.
Sans l’ombre d’un regret.
Rien que la joie, pour l’artiste, d’avoir grandi au rayonnement de ces idoles, de ces copains, rien que l’énergie qu’ils lui ont transmise et qui demeure, année après années, si vive, incandescente… une galerie de portraits qui éclate telle un feu d’artifice : un fervent merci !
Hommage aux personnes, hommage, aussi, à l’univers culturel des « sixties » au travers duquel Richard s’est forgé : le pop art, les sérigraphies flashies d’Andy Warhol, les photos provocantes de Jean-Marie Périer dans « Salut les copains »… avide de liberté, le monde explosait au cœur du conformisme de l’époque.
Jaune ! Orange ! Rouge ! De la lueur scintillante au volcan tumultueux, les aplats de couleur éclatent sur le papier blanc. Un papier sans entraves, papier « libre » où le blanc ne reflète pas l’absence, mais l’espace à conquérir, envahissant parfois les visages comme l’eau d’un fleuve s’étalerait sur des terres pour les fertiliser.
Blanc, jaune, orange, rouge… et du noir. Présent. Incisif. Revendiquant sa place, le noir s’impose en élément de discours, il suggère les zones d’ombre de chacun et, par contraste, en accentue les aspects lumineux. Un rappel de la « figuration libre » apparue dans les années 80 ? Années plus sombres que les sixties… la futilité se perdait, l’humour virait cynique. Fidèle à ses premières amours, Richard n’en garde pas moins les yeux ouverts sur les courants qui ont suivi, témoins vibrants de l’évolution du monde.
Pas de retouches, de repentirs. L’artiste joue « franc jeu ». Sans retour en arrière, il se jette à l’encre, porté par le geste, serein. Généreux. Et si le hasard œuvre parfois, sous forme de coulées, de taches, s’il nous invite à y voir une larme, une goutte de sang ou un éclat de rire… qu’importe ! L’encre translucide prolonge le mouvement… et peut-être l’intention cachée.
Comment ne pas réagir face à certaines de ces icônes, réveillées par surprise ? Martine Carol, Gloria Graham, Jacqueline François, Danielle Darrieux… autant de chanteuses ou d’actrices dont l’existence s’était dissoute, empoussiérée par le temps, étoiles filantes à qui le pinceau de l’artiste redonne vie, intensément. Une forme de reconnaissance ?
Au-delà de la « représentation », Richard nous entraine dans un face à face avec l’Individu, l’être unique qui flamboie en chacun d’entre nous. Pour toujours. Sans réserve, il célèbre son inconditionnel attachement à ces femmes, ces hommes, gravés dans son histoire… il nous offre son firmament : le meilleur de l’humanité.
Novembre 2012.
Natures mortes radiographiées
Plus de visages ! Plus de people… mais des bottles.
Et pourtant… pourtant la patte de Richard Roux est là : dans les camaïeux pastels ? Dans les rythmes ou dans les cernes noirs qui soulignent les formes ?
Le contenant n’est plus de chair, mais de verre ou de plastique. Le « donné à voir » affirme sa limpidité, sa transparence et le sujet proposé, natures « mortes », dévoile une vie intérieure, une profondeur révélée par l’artiste. Les bouteilles, apparemment vides, nous livrent un message, une fois radiographiées… Bouteilles à la mer ? Comme si les encres délavées, imbibées d’eau, résistaient à la dilution, comme si les cernes noirs s’évertuaient à contenir l’insaisissable qui tente toujours d’échapper au regard…
Mais l’intérieur évolue, l’intérieur déborde, et le tracé du pinceau s’adapte, suit le mouvement ou le provoque… l’image se dédouble rappelant le « Double Jeu » d’une exposition précédente. Ici, le contour admet sa limite. S’il reste précis, épais, il accepte cependant de ne plus affirmer de frontières, accepte le flou de la réalité, dessinant des ombres qui, comme des fantômes, accompagnent l’objet principal. S’agit-il d’encres sympathiques ? Que seule la chaleur du regard saurait mettre à jour ?
Telle une bouteille à encre éternellement opaque, l’œuvre de Richard livre au spectateur le compliqué de la situation : la transparence n’est qu’illusion. Au premier plan, presque invisibles, les dépôts du passé subsistent, légère pellicule qui vient brouiller la vision, témoin discret d’une trace antérieure… indélébile.
Février 2010
« La bouteille à encre » : Expression française qui désigne une situation embrouillée, peu claire. Un problème insoluble.
A la fin du XVIIIe siècle, la forme initiale était "clair comme la bouteille à l'encre".
Ceux qui ont eu le plaisir (car c'était une tâche affectée aux plus méritants) de remplir les encriers placés sur les bureaux des écoliers d'autrefois, savent qu'une bouteille d'encre, même vide, garde une opacité certaine, à cause du dépôt qui se fait sur les parois.
C'est la comparaison de ce caractère opaque avec une situation manquant de clarté ou incompréhensible qui a provoqué la naissance de cette expression.
Adhésion
Sous le tissage brillant des chemins translucides
les visages, impassibles, respirent la lumière
et les peaux vitrifiées, scotchées à la toile
en un écran révélateur, nous renvoient leurs reflets…
Nouveau matériau, nouvelle technique ; le verni se déroule.
Rappelant les clichés sur papier glacé, Richard habille ses figures éternelles d’un entrelacs de protection… on ne peut qu’adhérer.
Mars 07
Chronologie chromatique
FACETTES. Après les gouaches flashies de “PEOPLE”, après les noirs et blancs abrupts de “DOUBLE JEU”, Richard nous livre aujourd’hui ses chromatismes fractionnés, facettes multiples de visages en un pavage aux teintes pastel.
L’œuvre évolue avec le temps. Ce temps qui atténue l’intensité des couleurs, tout en offrant au regard la douceur et la sagesse de l’expérience.
Etranges damiers que ces portraits habillés de camaïeux géométriques. Etrange labyrinthe que cette mosaïque de dames aux allures d’arc-en-ciel.
Dégradés de teintes, dégradés d’émotions… comme si l’artiste, en une image, faisait défiler tout le passé gravé dans chacune de ces figures. Car ne nous y trompons pas : la douceur éthérée des nuances n’est qu’apparence dans ce face à face, et le subtil jeu de cache-cache avec la surface révèle l’humain plus qu’il ne le dissimule. Sous le voile fragile des encres délavées, sous les traces aléatoires abandonnées au passage de l’eau, la précision du trait noir demeure, incisive, la profondeur des regards questionne. Echos d’une mémoire morcelée, les souvenirs ancrés résonnent ; de case en case, ils ricochent en rythme.
Entre hasard et rigueur, Richard nous entraîne dans le sillage de sa palette chronologique, au cœur du dédale kaléidoscopique de personnages patchwork, reflets de ses / nos propres miroirs.
Septembre 2006
Double jeu, double enjeu, doubles jeunesses…
Avec “DOUBLE JEU”, Richard Roux ne joue plus ; ou les règles ont changé.
Noirs et blancs abrupts, lignes précises, visages graves nous fixant droit dans les yeux… sous les traits appuyés du fusain, l’humain demeure au centre de la création, mais dépourvu d’artifices. Il joue franc jeu en quelque sorte ; se montre à nu.
Et si les personnages restent jeunes, épargnés par la marche du temps, leurs photographies n’échappent pas au travail laborieux du souvenir : telles de vieux clichés déchirés, puis amoureusement réassemblés, elles revendiquent les fines cicatrices de ces « découpages et collages », ultimes vestiges d’une époque où Sylvie se demandait qu’est-ce qui fait pleurer les blondes…
Mais, rassurons-nous. Elles sont toujours là, ces filles sophistiquées qui fredonnent à notre mémoire les musiques disco des années soixante-dix, elles nous ravissent toujours avec leurs couleurs flashies et leurs regards nostalgiques cernés d’eye-liner… comme pour mieux souligner le chemin parcouru, elles témoignent des origines.
Double jeu, donc pour cette exposition en miroir ; double enjeu artistique, doubles jeunesses, qui se reflètent face à face : d’un côté l’apparente froideur du corps aux contours parfaitement délimités, de l’autre la transparence émouvante de radio/graphies pénétrant au cœur de l’âme.
Une âme que ce passionné de portraits n’a pas perdue, mais affinée. Refusant l’indulgence de l’estompage, il affirme les contrastes et nous dévoile une étonnante facette de son talent, nous révèle une nouvelle sensibilité, un nouveau “je” qui nous renvoie à nos propres images du passé.
En blanc et noir, parions que Richard nous fera partager ses rêves, “ces petits riens ces petits tout qui font de nous des gens debout…”
Mars 2006
People… le ton est donné. Richard s’annonce. Avec lui, nous baignons dans la culture anglo-saxonne symbolisée par Mary Quant. Les sixties. Tout un style, tout un look. Filles sophistiquées en mini-jupes, beaux garçons rêveurs et ténébreux, groupes de jeunes gens posant à l’infini… la galerie de ces personnages paraît sortir d’une bande dessinée, avec ses couleurs « flashantes » et ses portraits cernés de noir, ici chaque être se définit avec précision. Pas d’incertitude. On devine l’assurance de jours heureux. Tout est possible, tout reste à inventer. Et pourtant… Et pourtant les regards se font nostalgiques. Les lendemains ne chanteront pas toujours sur la Maritza de Sylvie Vartan et, à l’instar de Marilyn, “les garçons et les filles de notre âge” ne seront pas toujours là. Elvis, Janis, Jimmy ou John… Ils résonnent dans notre mémoire, ils nous ont construits, ils resteront éternellement jeunes, beaux et mystérieux, comme ces “people “ que nous propose Richard, ces « people » qui ont peuplé notre imaginaire, artistique et affectif, les témoins d’une époque.
Témoins aussi, ces icônes de réclames, références incontournables : le Bibendum rondouillet courant sur les routes, la vache qui rit hilare, la grosse tête de la pointe bic, ou la porteuse d’eau Clairefontaine… “images de marques”, images marquantes, répétées, déclinées en camaïeux qui glissent de l’orange au vert.
Un clin d’œil à Warhol et à la Factory ? Et comment ne pas sourire à cette “Vénus revisitée”, sortant de la piscine de David Hockney ou croisant Marilyn sur son chemin ? A moins qu’elle ne soit son double ? Son reflet à travers les âges ?
Autant d’hommages que Richard Roux rend à ses “maîtres” : Lichtenstein, Adami, Monory… des repères non figés, avec lesquels jouer, et se jouer du temps.
Collectionneur du passé, mais tourné vers l’avenir, Richard nous confie ses personnages intérieurs. Il leur donne une âme, et par là, il a le talent d’animer notre histoire commune en la reconstruisant.
Mars 2005.