Il revient s’attacher au bois. Richard a très vite choisi ce support pour ses travaux. Puis il l’a laissé, le temps de faire voler les feuilles, les alléger et y retourne pour poser ses encres, ancrer ses encres. L’adhésion de ses nouvelles compositions au végétal renforce le lien qu’il garde avec la vie, et dans le choix des couleurs, et dans le choix des sujets. Inertes le godillot, la Converse, le talon aiguille ou la tête de mort ; vivants avec l’ours au regard triste qui l’incarne. Jouer avec la nature et les objets, il le souhaite et nous y invite. Richard se tient à la lisière de la vie et de l’œuvre, dans cet intervalle que le pédopsychiatre Donald Winnicott appelle l’aire intermédiaire d’expérience. Là où se mêlent réalité intérieure et vie extérieure. Lieu de l’illusion qui est inhérente à l’art. En mettant en lien, comme le thème le donne, le merveilleux et le réel, il revient à ses premiers attachements, son enfance, ses sourires et ses symboles et nous invite à nous projeter à notre tour, avec ou sans ours, perchés sur nos talons ou plongés dans nos baskets. Balade comme le dit également Winnicott dans cet espace situé entre le subjectif et ce qui est objectivement perçu. Le merveilleux, il l’installe par son regard et son trait dans cet ensemble subtil de quotidien et de passé, l’enfance et les choses. Des objets réels, usagés et usés, pour les femmes, pour les hommes. Avec son ours, objet qui offre à l’enfant cette capacité de percevoir son « non-moi » et qui va aussitôt lui permettre de créer, d’imaginer, d’inventer, de concevoir, de produire un objet, il nous ouvre à son tour la voix de la création ; la sienne et la notre en interaction avec son travail. L’altérité en somme. A nous de lui emboiter le pas. Têtes dures, en lacets, haut perchés, en pensées.
Penser, panser… et danser, le pied léger s’il vous plait !
Nadia Roman Septembre 2015
Quand Richard met les mains dans le cambouis et le nez dans les moteurs, ça étincelle, ça rutile, ça pétarade ! Peindre des moteurs, quelle drôle d’idée pour un peintre, pourquoi pas des libellules ou des papillons ? Parce qu’enfant, Richard aimait les découvrir de l’intérieur, les démantibuler, les désosser, les mettre en pièces, à plat et les remonter. Parce qu’à l’âge de l’apogée du Solex -un cylindre, un piston, une bougie-, il regardait dedans pour voir comment ils pouvaient marcher dehors. Au travers de ses projections, celles à la base de ses réalisations plastiques, celles plus intimes qui sous-tendent son travail, il nous offre à voir des objets simples, du quotidien qu’il métamorphose en objets rares, curieux et précieux. Il desserre nos boulons mentaux, redémarre nos souvenirs, dynamise notre approche d’un regard neuf et ancien. Le spectateur connait toutes les pièces et les voit pourtant autres, silencieuses et statiques dans un vacarme de couleurs. Son réel devient notre. De modestes objets, vis, boulons, écrous, engrenages prennent de la noblesse. On entend par là la manière dont il parle de son travail. Simplement. Passionnément. Après des expositions montées en série, visages d’enfants, peoples, insectes, foules, Richard revient aujourd’hui à la nature morte dont la traduction anglaise lui va si bien : still life ! On pourra d’ailleurs lire quelques mots, en anglais, autour de ses love machine. Quand l’anthropomorphisme incarne ces objets désincarcérés, l’évocation musicale met du son dans l’image. Pas heavy metal quoique. Rock toujours. Sa palette fait chauffer les moteurs, rouler les mécaniques, péter les boulons. Aujourd’hui Richard nous montre ce qu’il a vu comme il le voit. Il mouille les chemises, serre les vis, cale les disques, enclenche les cardans, biaise les bielles, boulonne les bougies, assouplit les soupapes, patine les pistons, bidouille les boulons. Rouge l’écrou-vis, jaune le mec-anisé, noir et blanc motor-irisés. Nadia Roman